Antoine Montades est directeur général et fondateur de la société Plus Revenue Consulting, un cabinet spécialisé dans le revenue management à destination des campings. Sarthe Tourisme l’a invité à participer aux dernières rencontres de l’hôtellerie de Plein Air en octobre dernier. Il répond à nos questions.
Sarthe Tourisme. Qu’est-ce que le revenue management ?
Antoine Montades : C’est l’ajustement quotidien des prix, pour proposer aux clients le bon tarif, au bon moment et via le bon canal de distribution. En pratique, cela signifie que les prix varient selon plusieurs critères : la saison, la demande et la dynamique des réservations. Ainsi, les prix peuvent changer chaque jour, en fonction des tendances du marché.
Quel état des lieux dressez-vous du revenue management dans les campings en France aujourd’hui ?
Aujourd’hui, il s’est démocratisé dans l’hôtellerie de plein air, bien que ce secteur ait pris du retard par rapport à l’aviation et à l’hôtellerie. Sur environ 8 000 campings en France, 1 500 ne pratiquent pas encore le revenue management : 500 d’entre eux conservent une tarification fixe, et 1 000 autres adoptent une approche plus empirique. Le marché évolue, mais il reste des établissements qui fonctionnent encore avec des tarifs fixes, affichés sous forme de catalogue. Cependant, ces pratiques sont de plus en plus rares.
Comment l’hôtellerie de plein air peut-elle s’inscrire dans cette démarche ?
Mettre en place une stratégie de revenue management nécessite des outils adaptés, du temps et des compétences spécifiques. Le premier impératif est une bonne gestion des données : il faut disposer de données fiables et organisées pour pouvoir analyser et ajuster les tarifs efficacement. Si un camping enregistre encore ses réservations sur papier, la démarche sera difficile. Il est donc essentiel d’utiliser un outil qui permet de rassembler et d’exploiter les informations. Ensuite, il s’agit de suivre les réservations, ajuster les prix régulièrement, et éventuellement faire appel à des canaux de distribution ou des promotions pour attirer une clientèle spécifique. Enfin le processus prend du temps. Il faut donc le trouver ce qui n’est pas toujours simple pendant la saison.
Pour quelle taille de camping le revenue management est-il pertinent ?
Il peut s’appliquer dès qu’il y a un locatif. Toutefois, à partir du moment où le camping fait appel à un prestataire de service, nous conseillons aux campings de disposer d’au moins 20 locatifs pour que cette démarche soit rentable. Cela permet d’optimiser les réservations dans les périodes de forte demande, contrairement aux emplacements classiques où l’offre reste supérieure à la demande.
Quels sont les prérequis pour se lancer dans l’aventure ?
Pour se lancer, un camping doit avant tout disposer d’un logiciel de réservation capable de fournir des données exploitables. Il est également important de prévoir une personne dédiée à cette tâche, car une gestion efficace demande du temps et de la rigueur. La maîtrise des données est un autre atout : savoir les interpréter et les exploiter dans un tableur ou un logiciel spécifique est souvent nécessaire. Enfin, il faut être prêt à investir du temps dans cette démarche et à prendre du recul pour adapter la stratégie tarifaire selon les résultats.
Une croissance de 10 % du chiffre d’affaires est généralement atteinte dès la première année de mise en place du revenue management.
Quelle importance pour un camping de s’inscrire dans cette démarche ?
Le revenue management est devenu essentiel dans un secteur de plus en plus concurrentiel. Cela permet de maximiser le chiffre d’affaires. Une croissance de 10 % du chiffre d’affaires est généralement atteinte dès la première année de mise en place, et cela peut dépasser 20 % selon les profils de campings et les années. En termes de coûts, si l’entreprise nous choisit pour l’accompagner, cela représente environ 1 % du chiffre d’affaires, pour une augmentation de revenu bien plus importante. Nous visons à garantir à nos clients un retour sur investissement rapide pour que chaque camping bénéficie largement des efforts engagés.
Vous accompagnez les campings depuis 5 ans. Voyez-vous des évolutions dans la perception qu’ont les gestionnaires de camping sur cette question ?
Oui, nous accompagnons aujourd’hui 210 campings. Il y a vraiment une transformation en cours dans le secteur. Il y a encore cinq ans, on devait expliquer ce qu’était le revenue management, et beaucoup de gérants n’y croyaient pas ou ne voyaient pas l’intérêt. Aujourd’hui, la demande explose, car même ceux qui ne l’ont pas encore adopté réalisent qu’une étude tarifaire est essentielle, surtout avec la montée de la concurrence. Les campings deviennent des actifs de plus en plus précieux, et une bonne gestion tarifaire est désormais aussi cruciale qu’un bon site internet. Elle permet non seulement de soutenir les investissements, mais aussi d’optimiser la valeur du camping en vue d’une revente future.
Quelles évolutions anticipez-vous dans les années à venir ?
La tarification dans le secteur du camping va devoir évoluer pour s’adapter aux comportements de réservation. Actuellement, beaucoup de campings continuent de proposer des promotions de dernière minute, ce qui crée une incohérence pour les clients ayant réservé à l’avance. À l’avenir, il sera crucial pour les campings d’apprendre à mieux gérer et « éduquer » leur clientèle afin d’éviter les promotions trop tardives. Une des clés sera d’optimiser « l’early booking » (réservations anticipées), qui montre déjà de bons résultats sur les deux dernières années, et de ne pas céder à la panique en cas de retard des réservations.
Les campings devront aussi cesser de se comparer à leurs voisins et de faire des promotions sans réelle stratégie, pour plutôt se concentrer sur la cohérence de leur politique tarifaire. Cela contribuera à une meilleure gestion du marché, qui, avec le temps, gagnera en professionnalisme.